Chapitre 7 – Comment se créent et sont créés de nouveaux comportements

Nous présenterons ici le façonnement et le chainage qui sont les procédures habituellement utilisées pour enseigner de nouveaux comportements. Cooper, Heron & Heward (2007) présentent un chapitre à part sur l’imitation comme moyen de développer de nouveaux comportements, nous en parlerons également.

Façonnement

Le façonnement est le renforcement différentiel d’approximations successives d’un comportement cible jusqu’à ce que la personne fasse le bon comportement. Comme un potier part d’un bloc de terre pour créer un vase, nous partons d’une ébauche (même lointaine) du comportement pour arriver à ce qui est voulu.

Pour commencer, il faut identifier un comportement qui est une approximation du comportement cible : c’est ce que l’on appelle le comportement de départ (« starting behavior »). On renforce ce comportement de façon à ce que sa probabilité d’apparition augmente. Puis on renforce un nouveau comportement plus proche du comportement cible, et ce jusqu’au comportement cible.

S’il n’existe pas de comportement approximant le comportement cible, il est nécessaire d’utiliser des guidances (prompts en anglais) pour avoir « quelque chose à renforcer », puis de retirer ces guidances afin que le comportement soit contrôlé par les « bons » stimuli de l’environnement et pas par nos guidances.

Les applications de cette procédure sont quasiment illimitées, on peut l’utiliser pour améliorer la motricité, le langage, l’imitation etc.

Un exemple d’application : Jackson & Wallace (1974) utilisent le façonnement pour amener une jeune fille de 15 ans avec retard mental, précédemment aphone, à progressivement augmenter l’intensité sonore de ses paroles, jusqu’à un volume typique.

Avec du façonnement, je vais par exemple commencer à renforcer un comportement (accepter de prendre un stylo dans la main) très éloigné du comportement cible (écrire son prénom) et je vais renforcer des étapes de plus en plus proches, au fur et à mesure des apprentissages (faire un trait sur la feuille, puis gribouiller, puis faire un trait horizontal etc.).

Chaînage

Dans de nombreuses situations, ce sont des comportements complexes qu’il va falloir mettre en place et la guidance ne suffit plus. Un comportement complexe consiste en plusieurs sous-comportements qui apparaissent dans une séquence appelée chaîne de comportements (par exemple : ouvrir la porte de sa voiture, s’asseoir, fermer la porte, mettre la ceinture etc.).

Le chaînage consiste en l’enseignement d’une chaîne de comportements.

Dans une chaine de comportements, chaque sous-comportement de la chaîne produit un changement dans l’environnement qui agit comme stimulus discriminatif (SD) pour la réponse suivante dans la chaîne. Pour parler plus simplement, c’est ce changement dans l’environnement qui indique à la personne que les conditions sont réunies pour que l’étape d’après se mette en route et puisse amener à l’obtention d’un renforçateur.

Ainsi, dans une grande chaîne de comportements comme « acheter du pain » (en admettant que l’on est déjà dehors et que l’on a de la monnaie sur nous), le premier comportement (aller vers la boulangerie) produit un SD (je vois la porte de la boulangerie) pour le second comportement (ouvrir la porte de la boulangerie). Ce second comportement produit un SD (voir la porte ouverte) pour le troisième comportement (entrer dans la boulangerie) etc etc etc… (évidemment chaque étape peut être sous-divisée en d’autres étapes s’il le faut, par exemple, ouvrir la porte = tendre la main vers la poignée + regarder s’il y a un écriteau disant de tirer ou pousser + faire le geste correspondant).

Lorsque l’on veut faire du chaînage, il faut effectuer ce que l’on appelle une analyse de tâche. Ce terme correspond au fait de diviser une tâche complexe en étapes plus simples, que l’on pourra enseigner. Essayez par exemple de continuer l’analyse de tâche correspondant à « acheter du pain », on en était à la troisième étape, « j’entre dans la boulangerie ».

Une fois cette analyse de tâche faite, on doit évaluer le ou les étapes qui sont déjà réussies, dans ou hors de la chaîne ; et la façon dont les étapes sont d’ores et déjà enchainées. Ceci donne en fin de compte la ligne de base du comportement.

Pour enseigner une chaîne de comportement je peux ensuite utiliser différentes procédures : chaînage avant, chaînage arrière, chaînage total de la tâche.

Dans le cas de chaînes complexes, dans lesquelles il existe des sous-comportements que la personne ne sait pas faire, et afin de ne pas devoir enseigner deux choses à la fois (réaliser le comportement et l’incorporer dans la chaine), il est très souvent conseillé de travailler ces nouveaux sous-comportements de façon séparée, hors de la chaine, par exemple en situation « bureau ».

Chainage avant

Dans cette procédure, on enseigne (et donc on renforce) les comportements dans leur ordre d’apparition. J’enseigne à réaliser le premier comportement (et donc je renforce immédiatement après ce premier comportement). Une fois qu’il est correctement appris, je guide l’élève pour qu’il enchaine premier et second comportement (et je renforce après l’apparition de ces deux comportements) ; ensuite, je ne renforce qu’après que les comportements 1 – 2 et 3 soient réalisés…

Chainage arrière

Dans cette procédure, on commence l’enseignement par la dernière étape. C’est à dire que l’on guide la réalisation et l’enchainement de tous les comportements jusqu’à ce que le dernier soit réalisé correctement. Ce n’est qu’à la fin de la chaine, après le dernier comportement que l’on donne le renforçateur. Une fois que c’est bon pour la dernière étape, on guide tous les comportements mais ce sont les deux derniers qui doivent être réussis et enchainés (et on ne donne toujours le renforçateur qu’à la fin), ensuite ce sont les 3 derniers etc…

Chaînage total de la tâche

Dans cette procédure, on aide la personne, si elle en a besoin, à tous les niveaux de la chaine, jusqu’à ce qu’elle soit capable de la réaliser seule, en entier. Le renforçateur est donné à la fin de la chaîne.

 

Imitation

Etre capable d’imiter des comportements que l’on observe est un moyen très efficace d’apprendre de nouveaux comportements. Si par exemple je me retrouve dans un pays étranger et que je veux prendre le métro, il est fort probable que je prendrai quelques minutes pour observer la façon dont les gens procèdent, avant d’essayer de faire comme eux.

C’est une des raisons pour lesquelles, si un enfant à un répertoire imitatif peu développé, il va faloir très vite commencer à l’augmenter. Habituellement nous commençons par enseigner à la personne des imitations avec des objets, puis des imitations de motricité globale, de motricité fine etc. Dans ces apprentissages, il faut évidemment utiliser de façon appropriée les guidances, l’estompage des guidances, les renforçateurs etc.

Une autre raison du travail précoce sur l’imitation est que dès que l’enfant va réussir à imiter, on va pouvoir utiliser les guidances modeling (imitatives) plutôt que d’autres guidances plus intrusives pour enseigner de nouveaux comportements. Exemple si je veux apprendre à un enfant à taper dans ses mains suite à la consigne « fais bravo ». Si l’enfant n’a pas de répertoire imitatif je vais devoir le guider physiquement (lui prendre les mains et le faire taper), ce qui peut être aversif… S’il a un répertoire imitatif, je vais lui donner l’instruction, faire le geste en face de lui et il va m’imiter ! Cela permet d’accélérer et faciliter les apprentissages.

Il est également important de travailler sur l’imitation spontanée, c’est à dire l’imitation sans que l’adulte ne donne d’instruction spécifique.

Jackson, D. A., & Wallace, R. F. (1974). The modification and generalization of voice loudness in a fifteen-year-old retarded girl. Journal of Applied Behavior Analysis, 7, 461-471. Disponible ici