Langage – Comportements verbaux

Les comportementalistes parlent plutôt de comportements verbaux que de ‘langage’.

C’est Skinner qui a principalement développé la vision comportementale des comportements verbaux dans son livre Verbal Behavior (1957) .

Il distingue les comportements qui « modifient l’environnement d’une façon mécanique » (p.1) des comportements verbaux qui n’agissent pas directement sur l’environnement, mais sur autrui.

Pour lui, un comportement verbal n’a pas de relation « géométrique ou mécanique » entre forme du comportement et conséquences. La définition stricte est la suivante :

« Un comportement verbal est un comportement renforcé par la médiation d’autres personnes » (Skinner, 1957, p.2, p.14).

Et de plus :

« Lorsque nous définissons le comportement verbal, nous ne pouvons pas spécifier de forme, mode ou médium. Tout mouvement capable d’affecter un autre organisme peut être verbal » (p.14).

Ainsi pointer un objet pour l’obtenir, tirer sa grand-mère par la manche pour qu’elle nous mette la télévision, se rouler par terre en pleurant pour aller à la boulangerie, ou donner une image représentant une poire pour obtenir une poire sont tous des comportements verbaux !

Il existe différents comportements verbaux qui sont définis en fonction des stimuli qui contrôlent leur apparition et du type de conséquences qu’ils engendrent.

Il existe :

les mands (requêtes) : dont l’apparition est contrôlée par l’état interne d’un organisme et qui permettent d’obtenir des renforçateurs spécifiques

les tacts (dénominations) : contrôlés par l’environnement physiques (non-verbal) et amenant à l’obtention de renforçateurs non spécifiques

les échoïques : contrôlés par l’environnement verbal et possédant une similarité formelle (le stimulus contrôlant la réponse et la réponse sont (1) dans la même modalité sensorielle, (2) se ressemblent physiquement) ainsi qu’une correspondance point à point (des subdivisions ou parties du stimulus contrôlant se retrouvent dans la réponse) avec les stimuli évoquant leur apparition. Ils sont renforcés de façon non spécifique.

les intraverbaux : contrôlés par des stimuli verbaux qui amènenet à obtenir des renforçateurs non spécifiques. Il n’y a pas forcément de similarité formelle entre le SD et la réponse, et il n’y a pas de correspondance point à point entre le SD et la réponse.

les textuels : qui correspondent, globalement, à « lire un texte » (quelle que soit la façon dont il est écrit!). Le SD est dans une modalité sensorielle et et la réponse est dans une autre. La réponse possède une correspondance point à point avec le SD. Le renforçateur est non spécifique.

les transcriptifs : « une réponse créant un stimulus visuel » (Skinner, 1957, p.69). La réponse n’est pas vocale mais écrite. Il n’existe pas de similarité formelle entre SD et réponse. La réponse possède une correspondance point à point avec le stimulus contrôle et le comportement permet d’obtenir des renforçateurs non spécifiques.

– parfois sont aussi cités les autoclitics : n’est pas à proprement parler un opérant verbal, mais plutôt un moyen pour le locuteur de modifier, manipuler, nuancer ce qu’il dit.

– nous aborderons aussi le sujet du langage réceptif

Mand

Ce terme est dérivé de l’anglais « command »/ « demand ». C’est un comportement verbal qui produit un renforcement particulier, un certain type de conséquence. (un aliment ou type d’aliment – une activité etc.)
Il existe un lien précis entre le comportement et le renforçateur qui lui est associé. Un mand « spécifie » son renforçateur. (ex : « je veux boire »)
Souvent il spécifie le comportement qui est attendu de la part de l’auditeur (« ramène-moi un café »).

Par conséquent, il existe aussi un lien entre le comportement et l’état de l’organisme (déprivation/satiété) et/ou l’existence de stimulations aversives.
Un mand « pur » n’a pas de lien avec un stimulus précédent/antécédent du comportement. Si je demande à un enfant « que veux-tu ? » le mand qu’il va émettre n’est pas pur puisqu’il répond en fonction de ses « envies » et de mon stimulus verbal. De même si l’enfant a le renforçateur devant lui et que je lui fait émettre la demande pour l’obtenir, le mand n’est pas pur car il a été contrôlé par la présence de l’objet.

Importance des mands
– certains auteurs disent que c’est le premier comportement verbal acquis
– le bénéfice est immédiat pour le locuteur qui obtient ce qu’il a demandé (renforcement spécifique et naturel)
– c’est un comportement fonctionnel, alternatif a de nombreux problèmes de comportements.

Tact

Le terme de tact vient de l’anglais « the behavior makes contact with the physical world » (Skinner, 1957, p.81), c’est à dire « le comportement crée un contact avec le monde physique ».

La définition formelle est :
Un opérant verbal dans lequel une réponse d’une certaine forme est évoquée par un objet, un événement, ou une propriété d’un objet ou d’un événement. Cette réponse n’est pas renforcée par un renforçateur spécifique.

Un tact n’est pas renforcé par l’obtention de ce qui est spécifié dans le comportement (sinon on est en présence d’un mand).

(attention : la question « qu’est-ce que c’est ? » transforme un tact en un autre sous-type d’opérant verbal, mais le retrait progressif de cette question permet d’obtenir des tacts « purs »).

Echoïque

Ce sont des comportements sous le contrôle de stimuli verbaux, ces comportements sont souvent guidés par des instructions comme « dis/répète … ».

On peut retrouver ce genre de comportements dans les expériences d’association de mots où souvent le mot associé est en partie échoïque (ex : voiture/chaussure – sourd/souris) ou par exemple dans l’analyse de dialogues, sur une sujet où l’on retrouvera beaucoup de mots en commun dans les paroles des 2 personnes, beaucoup plus que si on leur avait demandé chacune séparément de parler de ce sujet.

Le renforçateur n’est pas spécifique, il est souvent éducatif comme lorsque des parents enseignent à leurs enfants à répéter des mots/sons/chansons etc.

Il peut être aussi auto-renforçant comme si vous passez un examen oral et que l’on demande « quels sont les différents opérants verbaux repérés par Skinner ? ». Vous ne trouvez pas immédiatement la réponse alors vous commencez par « les différents opérants verbaux repérés par Skinner sont … ».

Intraverbaux

Les intraverbaux sont avec les mands et les tacts, les opérants verbaux les plus importants car le fait qu’ils soient bien développés chez une personne permet une amélioration des compétences sociales et conversationnelles.

Les intraverbaux sont différents des autres opérants verbaux contrôlés par des stimuli verbaux car il n’existe pas de correspondance point à point entre le SD et la réponse.
C’est par exemple l’opérant verbal en jeu quand on complète la phrase « le glaçon c’est froid et le feu c’est … » (la réponse « chaud » n’a aucune correspondance avec le début de la phrase).
On ne s’intéresse pas à la similarité formelle, donc la réponse peut être dans une autre modalité sensorielle que le SD (ex : si on pose une question en langue des signes et la réponse est vocale, on est dans le cas d’un intraverbal)

De nombreuses connaissances scolaires sont apprises de façon intraverbale comme les dates importantes en histoire, les récitations, la comptine numérique, les formules mathématiques.

Ce sont les bases des compétences de conversation puisque ce sont ces comportements qui permettent de parler des choses qui ne sont pas là (à la différence des tacts). Dans la vie de tous les jours, nous passons énormément de temps à utiliser des comportements intraverbaux.
Ces compétences sont nécessaires pour qu’une personne puisse être un locuteur efficace et sache tenir une conversation.

Textuel

Les opérants verbaux textuels sont également des opérants verbaux sous le contrôle de stimuli verbaux.
Comme dans la lecture, le SD est dans une modalité sensorielle et la réponse est dans une autre modalité, on dit qu’il n’existe pas de similarité formelle (à la différence des échoïques). Il existe cependant une correspondance point à point entre le SD et la réponse car le SD (le texte) a été écrit pour représenter ce qui est lu.

Le renforcement des comportements textuels est souvent éducatif mais peut être autre (ex : l’attention du public dans une lecture publique – de l’argent pour lire aux personnes âgées).

Transcriptif

Le fait d’écrire un texte sous la dictée est un exemple de comportement verbal de transcription (à condition que ce qui est écrit soit lu par une personne qui peut renforcer le comportement, pas comme dans le cas d’un journal intime !).

Autoclitic

Dans l’autoclitic, le locuteur parle de ce dont il parle, il donne des informations sur ce qu’il est en tain de dire. Il permet par exemple de décrire « l’état de force du comportement verbal » (« je crois / je pense / je suppose… »).

C’est par exemple la compétence en jeu si dans une classe bruyante un instituteur dit « je veux VRAIMENT que ce bruit cesse » plutôt que « j’aimerais que vous arrêtiez de parler » ; ou si on vous demande où est votre enfant et que vous répondez  : « je crois qu’il est dans la cuisine » / « il est peut être dans la cuisine ».
Skinner utilise ce terme pour expliquer les aspects les plus complexes du langage (comme la syntaxe, la grammaire etc.).

Langage réceptif

Ici, on s’intéresse au comportement de l’auditeur, ce qu’on appelle « behavior of the listener ». Cet opérant ne fait pas partie de ceux identifiés par Skinner, qui s’intéresse plus à l’auditeur en tant que SD qui contrôle l’apparition des autres opérants verbaux.
Dans cette compétence, il s’agit de répondre non verbalement au langage d’autrui (Sundberg & Partington, 1998). Par exemple, lorsque l’on demande à un enfant de nous montrer tel ou tel objet, de suivre telle ou telle instruction.

Le stimulus discriminatif est un stimulus verbal (instruction/consigne etc.), la réponse implique un mouvement physique de l’auditeur et le renforcement est non spécifique (ex : félicitations/activité).

On parle souvent des RFCC (Réceptif par Fonction, Caractéristique ou Classe) qui sont des sous-catégories dans cet opérant qui correspondent à :
(a) Réceptif par fonction – où le locuteur donne une consigne verbale dans laquelle se retrouve la fonction de l’objet/item etc. (ex : « amène moi quelque chose qui coupe ! » quand on a besoin d’ouvrir un paquet)
(b) Réceptif par caractéristique – où le locuteur spécifie une caractéristique de l’objet (ex : « montrez-moi celui qui est en papier »)
(c) Réceptif par classe/catégorie – où le locuteur signale la catégorie d’appartenance de l’objet spécifié (ex : « lequel est un vêtement ? »).

 

Skinner, B. F. (1957). Verbal Behavior, New York: Appleton-Century-Crofts.

Sundberg, M. L., & Partington J. W. (1998). Teaching Language to Children with Autism or other Developmental Disabilities. Behavior Analysts, Inc.